Luca Dotti est le plus jeune des deux fils d’Audrey Hepburn.Luca a vécu à Rome entouré de ses parents Andrea Dotti qui fut le deuxième mari d’Audrey Hepburn, son papa, et de sa maman.Être le fils d’une icône n’a pas toujours été facile à accepter, mais c’est avec un amour inconditionnel et plein de respect qu’il nous a parlé de sa maman.Il a écrit aussi deux magnifiques livres pour nous la faire découvrir dans son plus beau rôle : celui de maman.
- Audrey à Rome, qui nous entraîne par de très belles photos dans la vie d’Audrey Hepburn à Rome
- Audrey at Home, qui en plus de nous faire découvrir une Audrey maman, et femme de coeur, nous permettra de connaître ses petits plats faits maison dans une convivialité et un amour dont elle seule avait le secret .
Luca Dotti
Backstage : A quel âge vous êtes vous rendu compte de la notoriété de votre maman et quelle a été votre réaction ?
Luca : Il faut savoir que la notoriété comme on la perçoit aujourd’hui, dans mon enfance elle n’existait pas. Le véritable impact a été quand elle est morte, c’est là où tout d’un coup on a vu toutes ses couvertures de magazines on ne pouvait pas aller acheter un journal sans voir une photo de maman. L’impact a été très fort, c’était deux réalités. On est déjà très sensible parce qu’on vient de perdre une mère et c’était très fort !Mais quand on regarde cela avec les yeux d’aujourd’hui, là on se rend compte à quel point elle était aimée. Vous savez les moments de deuil sont souvent très compliqués et cette médiatisation était inattendue. Ma maman avait un privé très libre, elle ne se cachait pas et les gens l’aimaient pour ça .J’ai eu si vous voulez, un petit peu de moments de négation parce que je voulais que ce soit ma mère à moi et pas leur Audrey Hepburn.
Backstage : Quel est votre plus beau souvenir d’enfant à ses côtés ?
Luca : Vous savez j’en ai beaucoup ! De tous mes plus beaux souvenirs avec maman c’est sa douceur qui en ressort. Pour nous c’était naturel mais avec les yeux de l’extérieur on se rendait compte qu’elle était charmante, exactement comme on se l’imaginait !On s’attend toujours à ce que une personne comme cela peut être distante et ait de la hauteur, mais en fait elle était très accessible et très douce.
Le plus beau moment que j’ai, est celui que j’ai à travers les yeux d’un ami qui a passé quelque temps à la maison. Il m’a dit tu sais, ta maman est très normale ! C’est quelque chose qui peut paraître simple, mais garder sa normalité et garder ses points de repères, je me rends compte à présent que cela ne devait pas être évident du tout !
Backstage : On voit dans vos interviews que le côté « maman, femme » était beaucoup plus important pour vous que le côté « icône, star » et que c’est surtout de cela que vous voulez parler . Y a t’il une raison à cela ?
Luca : c’est une très bonne question car comme je vous l’ai dit j’ai eu un moment où j’ai eu comme un traumatisme. Un moment
, j’ai vraiment séparé ma mère du personnage public qu’elle était, ignorant aussi une très grande partie de sa vie.
Et quand petit à petit J’ai soudé ces deux parties , j’ai fait si vous voulez la paix avec moi-même et paix avec sa mémoire. et j’ai rendu hommage à sa carrière, quand j’ai fait le livre sur les recettes; les gens s’étonnaient déjà qu’elle mangeait ! Parce que les gens avaient déjà cette idée sur sa minceur.
Cela étonnait aussi les journalistes que maman aimait la cuisine et aimait la faire. Alors raconter tous ces petits moments d’amitié autour de la cuisine, autour de la table, était l’idéal pour briser ce côté iconographique.
Alors tout ce que l’on a pu imaginer sur la star retombe. Et pour moi c’était très important !
Je l’ai fait aussi pour mes enfants car ma mère n’a pas eu la chance de vivre avec ses petits-enfants et puis c’était une façon de leur montrer que leur grand-mère était une personne tout à fait normale et pas seulement une icône .
Backstage : Le côté : on veut être votre copain parce que vous êtes le fils de ... vous l’avez vécu ?
Luca : En jeunesse non ! Je le vois par contre beaucoup plus sur mes enfants . C’était il y a deux ans, une maîtresse d’école nous a convoqué car elle avait remarqué des enfants qui tournaient beaucoup autour de notre plus petite fille et elle voulait savoir si nous étions au courant. Et ça c’est quelque chose qui ne vient pas des enfants ça vient toujours des parents ! À mon époque les enfants étaient différents et lorsque les enfants ont su que la maman de Luca ( ma maman) était différente, ils ont plutôt imaginé que c’était une sorcière qu’elle faisait des tours inimaginables etc.
Backstage : L’image que reflétait votre maman, était celle d’une femme de grande classe et de grande humanité. Si vous deviez la décrire en quelques mots .
Luca : C’est assez difficile.
Ma maman était quelqu’un de très normal, pour toutes ces petites choses de la vie . Un café avec une amie, un dîner avec nous à Noel, une belle journée de printemps; elle avait un amour fou pour tout ce qui était normal.
C’était aussi pour elle une façon de passer au-dessus de son plus grand traumatisme qu’elle avait subi, qui était la deuxième guerre mondiale.
D’où aussi l’importance pour elle de l’alimentation, vu qu’elle a souffert de malnutrition.
Backstage : Qu’est ce qui vous a donné l’envie d’écrire ses deux livres sur votre maman ?
Audrey Hepburn à Rome et puis des recettes de plats qu’elle préparait ?
Luca : Montrer qui elle était et puis ça a été aussi pour moi une sorte de psychothérapie personnelle .Grâce a ces deux livres j’ai étudié plus sur ma mère. J’avais plein de photos personnelles d’elle de son enfance. Elles étaient là en vrac je les connaissais bien, je les aimais, elles me donnaient beaucoup d’émotions mais je n’arrivais pas à les mettre dans une chronologie historique.
Petit à petit, tout en faisant cela et pour mes deux petites filles, ces photos ont pris de plus en plus d’importance. Voir quelqu’un sans savoir qu’elle a traversé une guerre, une carrière hollywoodienne, cela donne envie de prendre cette petite fille dans ses bras et de lui dire ne t’inquiète pas tout va bien se passer, tu vas réussir ta vie . Tous les enfants qui ont perdu leurs parents arrivent à un moment de leur vie où ils veulent en savoir plus sur eux .
J’ai beaucoup de chance, car comme ma mère était publique beaucoup d’informations sont encore accessibles. En dehors du fait qu’elle était Audrey Hepburn, il était intéressant de découvrir sa vie au jour le jour, et ainsi comprendre tous les petits indices qu’elle avait laissé. Que ce soit les histoires qu’elle nous racontait, la phrase qu’elle nous disait, sachant tout le parcours qu’elle avait eu .
Backstage : Quel était votre plat préféré ?
Luca : il y en avait beaucoup, mais un plus particulièrement à la maison nous n’étions pas très gourmand ni gâteau, ni sucreries. Mais elle avait cette recette de gâteau au chocolat qui d’ailleurs est dans le livre .C’est une recette de gâteau au chocolat sans levure et sans ou très peu de farine. C’était le seul gâteau que moi j’aimais beaucoup .Et pour mon anniversaire c’était une étape. Elle avait pris cette recette d’une dame en Suisse et ma femme qui est 50% suisse, a la même recette de gâteau au chocolat, d’ailleurs elle en a fait un aujourd’hui car c’est mon anniversaire .
Backstage : Votre maman était comme vous je crois, à ne pas aimer user de sa notoriété. Tout a changé quand elle a vu que son nom pouvait aider dans des causes très difficiles. Quelle a été pour elle sa plus belle réussite ? Sa plus grande satisfaction?
Luca : Alors il faut savoir que maman tremblait comme une feuille à chaque apparition en public, à chaque interview, elle avait le trac .C’est quelque chose qui est arrivé au bon moment dans sa vie, elle avait l’art de choisir le bon moment .Elle avait été approché pendant un bon nombre d’années par l’Unicef, mais moi j’étais encore à l’école.
En 88, quand j’ai passé mon bac, 2-3 choses sont arrivées. Mais la plus importante a été le Live Aid, vous vous souvenez de cette événement ? Maman et moi avons vu ce concert en live à la télévision comme beaucoup de gens et c’est à ce moment-là qu’elle a eu une illumination parce que, le fait de voir des artistes comme elle qui faisaient ce qu’ils savaient faire c’est-à-dire à ce moment-là pour cet événement chanter, le public qui venait les voir qui lui n’était pas obligé de faire une donation, mais on disait aux gens vous regardez un concert gratuitement, faites monter les chiffres. Et puis cette formidable invention où l’on voyait ce tableau avec le montant qui augmentait à chaque instant, ma mère, je me rappelle était à côté de moi et elle m’a dit c’est fantastique !
Ces gens là utilisent leur art pour quelque chose d’important .Et là elle se dit je peux faire ma part .Et seuls les médias pouvaient aider .Et là le fait de donner son image pour quelque chose d’important pour l’Afrique en l’occurrence, lui a fait surmonter sa peur de parler devant les gens .
Là, elle ne le faisait plus pour la promotion d’un de ses films. Il y avait une cause derrière tout cela et elle aimait beaucoup le terme ambassadrice pour les enfants Elle se sentait plus forte et ça lui a aussi donné La possibilité d’utiliser sa carrière et son image pour faire passer le message .Elle disait : les gens ont déjà tout plein de problèmes dans leur vie , on ne peut pas leur donner de poids supplémentaire .Donc son but était que les gouvernements augmentent les budgets octroyés à l’UNICEF et autres organisations.
Et pendant les années où ma mère a été ambassadrice à l’Unicef le président Reagan et le président Bush par après, ont tous deux beaucoup augmenté les budgets. Elle disait que pour certains fléaux comme la guerre atomique, la drogue ou le sida les solutions sont difficiles à trouver, mais pour la faim dans le monde la solution est simple, il faut de l’argent. Elle disait pour ce fléau, on sait quoi faire, comment le faire et où le faire .
Backstage : Quelle a été votre plus grande fierté par rapport à votre maman ?
Luca : Ma maman voyait beaucoup d’amour dans chaque chose .Que ce soit en voyant un enfant ou un oiseau sur une branche qui chante .Elle nous disait que pendant la guerre en Hollande, les oiseaux ne chantaient plus à cause des bombardements, il n’y avait plus aucun chant d’oiseau.
À la situation que nous vivons actuellement avec le Lockdown, elle aurait vu le positif en nous disant : c’est l’occasion de nous retrouver tous ensemble autour d’une table, de manger, de faire des jeux d’être réunis.
Backstage : Quel serait l’héritage de votre maman que vous souhaiteriez le plus partager?
Quel souvenir voudriez-vous que le monde garde d’elle ?
Luca : Pour ma mère, être une star n’était pas son point d’arrivée, mais son travail, qu’importe lequel c’était, c’était important .Mais avant tout le plus important pour elle était l’amour universel .
Cela ne sert à rien de mourir avec la richesse et la gloire si l’on a apporté que de la misère sur cette terre, disait elle.
Oui elle laisse derrière elle la trace d’une femme élégante, d’une actrice qui a fait des films magnifiques, mais là où elle a le plus réussi, c’est comme le dit mon frère avec le titre de son livre , elle avait une âme élégante.
Ma mère s’est donné à fond pour l’Unicef même au-delà de ce qui était raisonnable .Quand on pense à sa dernière mission en Somalie, même l’Unicef ne voulait pas qu’elle la fasse parce que c’était trop dangereux .Mais elle y est quand même allée et jusqu’au bout !
Je suis très fier de l’héritage que laisse ma mère, de la façon dont elle a pu gérer sa vie.
Elle a inspiré beaucoup de jeunes célébrités qui ont suivi son chemin en devenant ambassadeurs et ambassadrice de l’Unicef.